Le gaullisme et la droite néo-gaulliste

La droite française a longtemps été dominée sous la Ve République par une famille politique originale : le gaullisme. Idéologiquement, le gaullisme ne revêtait pas les attributs classiques des forces politiques de droite dans les États d'Europe occidentale :

  • droites européennes : défense du capitalisme, atlantisme...

  • gaullisme : troisième voie sociale anti-capitaliste et anti-marxiste (l'"association capital-travail" ou "participation"), indépendance vis-à-vis des États-Unis d'Amérique (l'"Europe européenne")...

Le positionnement du gaullisme à droite est donc controversé. Les gaullistes eux-mêmes ne se positionnent pas à droite et revendiquent un positionnement "ni droite ni gauche" voire centriste :

  • "On comprend donc très bien pourquoi nous, qui voulons la France agissante et indépendante, nous trouvons devant nous deux catégories d'opposants. D'un côté, ou, comme on eût dit jadis, "à notre gauche", les séparatistes [NDLR : les communistes]. De l'autre côté, ou, "à notre droite", la coopérative de conservation politicienne et sociale qui, pour le moment, s'appelle : Troisième Force [NDLR : socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens et libéraux]. Je ne commettrai certes pas l'erreur ni l'injustice de mettre sur le même plan les opposants des deux espèces. Les premiers sont les ennemis de l'État. Les seconds ne font que lui nuire. Mais les uns, comme les autres, font obstacle au redressement. Il en est ainsi, d'abord pour ce qui concerne la question principale, celle qui est au fond du drame de notre siècle, je veux dire la question de la condition ouvrière" (Charles de Gaulle, 01/05/1950)

  • "Des hommes et des femmes appartenant à des familles politiques différentes attendent que nous leur fassions signe. Ce signe ne tardera pas, et nous verrons alors où est le véritable parti du centre, d'un centre qui ne sera pas le marais où on prétend nous faire patauger" (Roger Frey, 28/02/1965)

  • "Je n'ai rien à faire avec Jean Lecanuet, qui est un homme de droite", Jacques Chaban-Delmas pendant la campagne pour l'élection présidentielle de 1974

  • Rien ne serait pire que la tentation de nous placer à droite. Il est clair que le mouvement gaulliste ne peut pas dans l'avenir être classé à droite. Pour cela, il y a d'autres mouvements politiques parfaitement adaptés. Mais il ne suffit pas de l'affirmer par des applaudissements. il faudra l'affirmer par des actes" (Jacques Chirac, Le Monde, 01/07/1975)

  • "Nous refusons tout autant le programme démagogique de la gauche socialo-communiste que les solutions de la droite conservatrice, orthodoxe, classique, avec laquelle nous sommes pour l'instant associés dans la majorité" (Jacques Chirac, discours de Metz, 20/10/1977)

Le successeur de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, se situait idéologiquement entre le gaullisme et la droite classique. Il ne faut alors plus parler de gaullisme mais de néo-gaullisme. Les gaullistes représentent dès lors une minorité au sein du parti néo-gaulliste (Jacques Chaban-Delmas dans les années 1970, Philippe Séguin et Jacques Godfrain dans les années 1980 et 1990). Les néo-gaullistes fondent en décembre 1976 le Rassemblement pour la République (RPR). Contrairement aux gaullistes, le positionnement à droite des néo-gaullistes n'est pas controversé.

Puisant aux sources originelles du gaullisme, Jacques Chirac a toutefois remis en cause ce positionnement à droite à deux reprises : durant la période 1975-1980 et lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1995 (lutte contre la "fracture sociale" théorisée par Philippe Séguin, Henri Guaino et Emmanuel Todd).

 
auto-positionnement des cadres du RPR
en 1978
centre-gauche centre droite centre-droit
    17 % 01 %
30 % 52 % 18 %

 
auto-positionnement des cadres du RPR
en 1984
centre-gauche centre droite centre-droit
    63 % 09 %
02 % 26 % 72 %

Pierre Bréchon, Jacques Derville, Patrick Lecomte, L'univers idéologique des cadres RPR, RFSP, 37/5, octobre 1987
source : http://www.gaullisme.net


La campagne pour l'élection présidentielle de 2002 de Jean-Pierre Chevènement, venu de la gauche, peut être considérée comme la dernière expression idéologique du gaullisme dans la vie politique française, symbolisée par la participation de plusieurs "gaullistes historiques" à l'éphémère Pôle Républicain chevènementiste.

 

La droite non gaulliste

La droite classique est représentée en 1958 par le Centre National des Indépendants et Paysans (Antoine Pinay, Roger Duchet), qui forme à l'Assemblée nationale le Groupe des Indépendants et Paysans d'Action Sociale. Il s'agit alors du deuxième groupe en nombre de députés.
Après les élections législatives de 1962 des dissidents rejoignent la majorité gaulliste et forment le Groupe des Républicains Indépendants (Valéry Giscard d'Estaing, Jean de Broglie, Raymond Marcellin, Raymond Mondon).
Laminé aux élections législatives de 1962, le Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP) est marginalisé et participe de 1965 à 1967 à une coalition avec le Mouvement Républicain Populaire : le Centre Démocrate (Jean Lecanuet). En 1967 le CNIP reprend son indépendance. Il existe toujours aujourd'hui mais représente une force marginale du paysage politique français.

Les Républicains Indépendants (RI) forment en juin 1966 la Fédération Nationale des Républicains Indépendants (Valéry Giscard d'Estaing, Michel Poniatowski) qui participe aux cartels électoraux de la majorité aux élections législatives de 1968 (Union pour la Défense de la République) et 1973 (Union des Républicains de Progrès).
En mai 1977 la Fédération Nationale des Républicains Indépendants devient le Parti Républicain (PR) et participe aux élections législatives de 1978 à la création d'une confédération, l'Union pour la Démocratie Française (UDF). L'UDF regroupe la droite non néo-gaulliste (Parti Républicain) et l'ancien centre rallié à droite (Centre des Démocrates Sociaux, Parti Radical, Mouvement Démocrate Socialiste de France).

 

L'unification des droites

À partir de 1981 (victoire de la gauche), la droite néo-gaulliste (le RPR de Jacques Chirac) et la droite non néo-gaulliste (l'UDF de Valéry Giscard d'Estaing et Jean Lecanuet) vont progressivement s'unifier.

L'unification des droites s'opère idéologiquement autour de la défense de l'Europe supranationale et libérale. Ce qui conduira à la création, en 1994, par Philippe de Villiers (ex-UDF) du Mouvement pour la France (souverainistes libéraux) puis en 1999 par Charles Pasqua (ex-RPR) du Rassemblement pour la France (souverainistes néo-gaullistes et libéraux).

Outre ces scissions, qui ne connaissent leur heure de gloire qu'à la faveur des élections européennes de 1994 et 1999, le débat d'idées n'a ressurgi au sein de la droite que lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1995 lorsque, face à Édouard Balladur (RPR), Jacques Chirac (RPR) effectue un retour éphémère au gaullisme "ni droite ni gauche".

Structurellement, l'unification est décalée par rapport à l'unification idéologique en raison d'ambitions personnelles (Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Raymond Barre, François Léotard, Édouard Balladur). Cette unification s'opère d'abord à travers des cartels électoraux réunissant le RPR et l'UDF (Union pour la Nouvelle Majorité en 1981, Union du Rassemblement et du Centre en 1988). Puis viennent deux tentatives de confédérations qui échouent : l'Union pour la France (1990-1993) et l'Alliance (mai 1998).

Parallèlement, en mai 1998 la majorité de Démocratie Libérale (ex-Parti Républicain) quitte l'UDF. La droite non chiraquienne se trouve dès lors divisée entre un centre-droit (la nouvelle UDF de François Bayrou) et une droite (Démocratie Libérale d'Alain Madelin).

Les campagnes électorales pour l'élection présidentielle et les élections législatives de 2002 aboutissent cependant à la création d'un parti chiraquien unique : l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP). L'UMP regroupe officiellement le RPR, Démocratie Libérale (malgré les réticences d'Alain Madelin et de ses proches) et des dissidents de l'UDF (Pierre Méhaignerie, Philippe Douste-Blazy, Jacques Barrot). De fait, l'UMP vampirise également le Rassemblement pour la France (même si Charles Pasqua n'est qu'apparenté à l'UMP).

 

La droite se trouve depuis composée de l'UMP (Nicolas Sarkozy), entourée de deux forces politiques :

 

 

 

 

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04/06/19